Goma : les élèves déplacés restent perturbés par la guerre

Publié le par Horace

 La récente guerre au Nord-Kivu a empêché la poursuite de l’année scolaire et fait fuir de nombreuses familles vers Goma. Beaucoup sont hébergées dans des écoles, où l'occupation des salles de classes et les traumatismes empêchent la tenue normale des cours. Surtout pour les élèves déplacés.

A l'Institut Uzima de Goma, chef-lieu du Nord-Kivu, c'est chaque matin le même rituel : des dizaines de familles quittent les salles de classes, tirant bagages et bétail, comme des locataires mauvais payeurs priés de vider les lieux. Les familles se retrouvent alors dans la cour de l'école transformée en cuisine de fortune. Dès le réveil, ces familles cèdent ainsi la place aux écoliers qui fréquentent régulièrement l'Institut. Tout au long de la journée, ceux-ci doivent supporter l'odeur nauséabonde des urines, ce qui ne facilite pas leur concentration en classe. La sœur préfete n'en peut plus : “Nous utilisons les mêmes latrines, alors qu’il n’y a pas suffisamment d’eau pour le nettoyage”. Les conditions d'hygiène déplorables font craindre le pire, comme la propagation d’une épidémie de choléra.
Plusieurs semaines après leur arrivée en ville, les élèves déplacés, même accueillis dans les écoles, sont toujours confrontés à une situation dramatique en raison de ce qu’ils ont vécu. Les autorités locales n'ont prévu aucune mesure pour organiser leur intégration. Aucune initiative non plus pour assurer la reprise des activités scolaires. L'encadrement pédagogique fait défaut, les enseignants déplacés ne percevant plus leurs salaires. Dans ces conditions, certains élèves déplacés redoutent une année blanche.

La guerre laisse des traces
Gentille Silukanga et Samy Kavalya, tous deux élèves déplacés inscrits à l’institut Visoke, n'arrivent pas à s'adapter aux enseignements et aux autres élèves. “Certains enseignants nous traitent de villageois, expliquent-ils. Nous sommes pour l'instant sans documents mais dès que la vie reprendra son cours normal, nous retournerons chez nous pour étudier“, ajoutent ces finalistes des humanités secondaires. Pour l’instant, malgré les événements militaires récents comme l’intégration de rebelles à l’armée congolaise, on n’en est pas encore là.
Longtemps, la présence des rebelles aux portes de la ville a été source d'inquiétude et de stress pour beaucoup d'élèves. “La guerre a des conséquences psychologiques sur les enfants. Certains affichent de la retenue tandis que d'autres sont plutôt agressifs, surtout ceux qui ont été enrôlés dans l’armée”, regrette Kambere Malunga, directeur de l’école primaire Mabanga.
Les élèves déplacés sont en effet désemparés et traumatisés par ce qu'ils ont vécu pendant la guerre, et cela ne disparaît pas en quelques jours. “Ce n’est pas facile, surtout pour un élève qui a vu un homme armé tirer sur les siens, d'assimiler certaines leçons comme l’éducation civique, où l’on évoque le rôle de l’armée et de la police”, révèle Kambale Sindani, enseignant de la même école. Selon lui, par une approche active et participative, on peut changer l'image que les enfants ont des soldats, en leur démontrant que ceux qui ont commis des exactions pendant la guerre sont plutôt des militaires sans instruction. Le travail en groupe facilite l'adaptation des élèves déplacés qui, grâce aux relations d'amitié qui se nouent, arrivent à oublier les horreurs de la guerre.

Une lueur d'espoir
Hormis le stress et la peur, les élèves doivent également faire face à d'autres difficultés liées à leur scolarité ou aux perturbations dans les activités scolaires. Pour les jeunes qui ne vont plus à l'école, la rue devient une tentation et un refuge, mais aussi le royaume de l'analphabétisme et de la délinquance.
La situation a commencé à changer pour les enfants déplacés venus de Rutshuru. Un comité mis en place par les enseignants de là-bas et ces jeunes se réunit deux fois par semaine pour recenser les élèves déplacés. Il interpelle les autorités en vue de leur intégration gratuite dans les écoles de la ville, ainsi que pour l’obtention d'une assistance matérielle en leur faveur. Monsieur Boniface, responsable du comité, a récemment adressé une requête au Ministère provincial de l’Education, pour solliciter la prise en charge de 221 élèves déplacés déjà enregistrés par son comité. Pour l'instant, les promesses du Ministre tardent à se concrétiser.

                             (Syfia Grands Lacs/RD Congo)
                    contact : umbosal@yahoo.fr
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